La Chine refuse la main tendue du Dalaï-Lama
La Chine refuse la main tendue du Dalaï-Lama
Pékin rejette le dialogue au sommet souhaité par le Prix Nobel de la paix.
La diplomatie chinoise, qui a exclu jeudi toute entrevue prochaine entre le président chinois et le Prix Nobel tibétain, se reflète sur le terrain : les soldats ont pris place au pied du palais du Potala, et Lhassa est désormais sous très haute surveillance.
L'appel à un dialogue direct lancé par le Dalaï-Lama reste
sans effet sur l'intransigeance de Pékin. La diplomatie chinoise a exclu
jeudi toute entrevue prochaine entre le président chinois et le Prix
Nobel tibétain, invariablement accusé de séparatisme et
de double langage. Le chef des Tibétains en exil doit renoncer à
ses projets d'indépendance pour le Tibet, stopper ses activités
sécessionnistes et reconnaître que le Tibet appartient à
la République populaire de Chine
, a fait savoir jeudi Qing Gang, porte-parole
du ministère des Affaires étrangères. Verbalement au moins,
le Dalaï-Lama remplit les trois exigences. Leur répétition
témoigne du mur de défiance dressé par Pékin, en
dépit d'appels à la discussion lancés par Berlin, Londres,
Paris et le Vatican.
Quelques heures plus tôt, l'exilé de Dharamsala avait fait un
pas de plus vers la conciliation. Il assurait être toujours prêt
à rencontrer les dirigeants chinois, le président Hu Jintao en
particulier. (…) S'il y a des signes concrets, je suis prêt
. Dans
le scénario tibétain, la rencontre aurait lieu dans quelques
semaines, dans quelques mois
, une fois retombée la révolte la
plus sérieuse que connaît la direction chinoise depuis le printemps
1989.
L'écrasement des manifestations de Tiananmen, précisément, et le refus obstiné du PC chinois de tout contre-pouvoir fût-il spirituel à l'intérieur des frontières, permet de douter de la sincérité d'une telle rencontre, si elle devait avoir lieu. En revanche, une fois l'ordre sans faille rétabli au Tibet, Pékin pourrait être tenté par un geste de propagande ou d'apaisement visant l'étranger, juste avant les JO.
Pékin bruissait jeudi d'une rumeur de réunion d'urgence des 24 membres du bureau politique du PC consacrée au Tibet. Hu Jintao connaît bien la région pour l'avoir dirigée pendant quatre ans. Sans doute est-il abasourdi par la violence d'une révolte sans préavis, qui s'est de plus étendue à trois provinces. Avec toute la direction chinoise, le numéro un du PC croyait sûrement le Tibet pacifié par des investissements économiques massifs et la main ferme de son proconsul, Zhang Qingli.
Curieuse intrusion
Depuis 2002, la Chine a cherché à adoucir cette image tibétaine en conduisant d'épisodiques et discrets pourparlers de réconciliation avec des émissaires de Dharamsala. C'est à la faveur de ces contacts que le Dalaï-Lama a formalisé une position que toutes les capitales ont entendue, sauf Pékin. Le chef des exilés a renoncé à l'indépendance. Il préconise l'autonomie culturelle pour le Tibet.
Les contacts ont cessé l'été dernier lorsqu'à la
fureur des Tibétains l'État-parti chinois a imposé d'avoir
le dernier mot dans la sélection des lamas, dignitaires considérés
comme la réincarnation de leurs prédécesseurs. Derrière
cette curieuse intrusion d'un parti athée dans la métaphysique
tibétaine, la volonté de contrôler la hiérarchie
religieuse était évidente : les lamas, bouddhas vivants
, auront
une voix déterminante dans le choix du successeur du Dalaï-Lama,
âgé de 72 ans. L'oukase a montré que Pékin n'attend
rien d'autre que sa disparition. Il a aussi accru l'exaspération des
monastères et pesé lourd dans la révolte initiale autour
de Lhassa.
L'épisode en dit long sur l'arrière-plan d'un dialogue qui reste
à renouer. En position militaire écrasante au Tibet, la Chine
n'accepterait de discuter qu'avec un Dalaï-Lama présenté
en vaincu. Pékin ne permettra jamais qu'il remette les pieds au Tibet
,
avance Shi Yinhong, expert des relations internationales à l'université
du Peuple. Pour les dirigeants chinois les plus pragmatiques, le Prix Nobel
de la paix garde au mieux une dernière utilité : en prônant
l'apaisement, il facilite la reprise en main et in fine l'intégration
d'une minorité qui refuse d'être sinisée comme les autres.